Ensembles de simulations climatiques

Ce texte se base sur les connaissances scientifiques recensées dans le rapport du Groupe de travail I du GIEC intitulé « Changements climatiques 2021 : les éléments scientifiques ».

Bien que le sujet des ensembles soit évoqué tout au long du rapport (offert en anglais seulement), la majeure partie des informations proviennent des sections 1.4.3 (IPCC AR6 WGI Chap.1) et 4.2 (IPCC AR6 WGI Chap. 4).

Quiconque désire approfondir la question des ensembles devrait consulter ces sections, mais surtout les nombreuses publications scientifiques qui y sont citées.

Il est tout à fait normal de constater des disparités entre les caractéristiques des climats provenant de deux simulations différentes. Ces écarts sont le reflet des diverses sources d’incertitudes inhérentes aux simulations climatiques. Les principales étant : 

  • Le choix du scénario de GES. 

  • Le choix du modèle climatique et de sa configuration.

  • La variabilité interne du climat. 

L’importance relative de ces sources varie au fil du temps selon la variable ou l’aléa considéré ainsi que selon la région d’intérêt. Il est donc nécessaire de faire appel à des ensembles de simulations climatiques afin de tenir compte de ces sources d’incertitude dans l’interprétation des projections climatiques. 

De façon générale, un ensemble est un « groupe de jeux de données comparables qui reflètent des variations dans les limites d'une ou de plusieurs sources d'incertitude et qui, lorsqu'on en fait la moyenne, peuvent fournir une estimation plus robuste du comportement sous-jacent. Les techniques d'ensemble sont utilisées par les communautés scientifiques impliquées dans les observations, les réanalyses  et la modélisation  [GIEC, 2021: Annexe VII – Glossaire]. »

Dans le contexte des projections (simulations futures) provenant de modèles climatiques, chaque membre d’un même ensemble doit avoir été produit en respectant une série de spécifications (par exemple celles des ensembles de CMIP6 ou de CORDEX) pour minimiser les erreurs d’interprétation des résultats. L’échantillonnage des différentes sources d’incertitudes (p. ex. nombre de scénarios, nombre de modèles) varie en fonction du type d’ensemble et des questions scientifiques auxquelles on cherche à répondre ainsi que de l’application visée. Notamment, des facteurs à considérer sont :

  • le type d’aléa ou phénomène étudié,

  • l’horizon temporel,

  • l’échelle spatiale,

  • les sources d’incertitude dominantes,

  • ou le niveau de confiance recherché dans les changements projetés.

En général, la fiabilité de l’estimation de l’incertitude augmente – jusqu’à un certain point -avec le nombre de membres dans l’ensemble.

 

Pour la suite de cette page, nous décrivons les types d’ensembles les plus communs en science du climat.

 

Ensembles multimodèles

Les ensembles multimodèles de projections climatiques sont les plus connus, car ils sont utilisés pour évaluer le signal de changement climatique et sa robustesse pour un scénario d’évolution des GES donné. D’ailleurs, de nombreux modèles du système Terre ont contribué aux ensembles multimodèles du programme CMIP sur lesquels se basent en grande partie les travaux du GIEC. Dans la mesure où les modèles impliqués sont des représentations raisonnables du système climatique, ce type d’ensemble vise à évaluer l’incertitude liée à la réponse climatique à un forçage radiatif défini par le scénario de GES. Puisque la structure interne ainsi que la représentation des différents processus diffèrent d’un modèle à l’autre, on parle souvent d’incertitude liée aux modèles - et à leurs imperfections- ou parfois d’incertitude structurelle. En s’assurant d’inclure une grande diversité de modèles climatiques, on réussit à capturer une partie importante de cette source d’incertitude. 

Il existe aussi des ensembles multimodèles constitués de simulations issues de modèles régionaux de climat  (MRC). Les plus connus ont été élaborés dans le cadre du programme CORDEX avec sensiblement les mêmes objectifs qu’un ensemble ayant recours à des modèles du système Terre. L’intérêt des MRC réside dans leur capacité à mieux capturer certains processus impliquant des échelles spatiales plus fines que celles correctement prises en compte par les ESM. Du fait que les MRC ont besoin de simulations produites par des ESM pour leur fournir les conditions aux frontières de la grille régionale, les protocoles s’assurent généralement que chaque MRC utilise plusieurs ESM et inversement qu’un nombre maximum d’ESM fournissent les conditions aux frontières de plusieurs MRC. Cette façon de faire permet de séparer la contribution des MRC de celle des ESM à l’incertitude liée aux modèles. Du fait que la production d’une simulation climatique régionale nécessite de plus grandes ressources qu’une simulation d’un ESM couvrant tout le globe, il faut garder en tête que les ensembles multimodèles basés sur des MRC contiennent généralement beaucoup moins de membres que ceux basés sur des ESM.

Il est important de garder en tête que la taille d’un ensemble multimodèles peut varier considérablement selon les variables. En effet, bien que la plupart des protocoles prévoient des listes de variables souhaitées, la responsabilité de fournir les données revient aux centres de modélisation participants. Prenons l’exemple fictif d’un ensemble devant contenir les données provenant de 30 modèles, il est possible que les 30 centres de modélisation aient fourni les données de température et de précipitation, mais que seulement 15 d’entre eux aient fourni les données de neige. L’estimation de l’incertitude des modèles pour la neige ne reposerait que sur 15 membres au lieu des 30 initialement prévus.

L’avènement des ensembles multimodèles a donné lieu à de nombreux travaux de recherche dédiés aux méthodes de sélection et aux méthodes de pondération des membres d’un ensemble multimodèles. Elles ont pour but d’essayer de diminuer l’amplitude de l’incertitude liée aux modèles. L’explication de ces méthodes dépasse la portée de ce texte.

Ensembles à paramètres perturbés

Les ensembles à paramètres perturbés viennent fournir de l’information supplémentaire sur l’estimation de l’incertitude liée aux modèles, en approfondissant la contribution provenant des paramétrages physiques  des modèles climatiques. Ce type d’ensemble fait appel à un seul modèle climatique et à un seul scénario d’évolution des GES. Par contre, chaque membre de l’ensemble correspond à une simulation dans laquelle on modifie la valeur d’un des coefficients entrant dans la formulation de l’un ou l’autre des processus inclus dans les paramétrages physiques. Les ensembles à paramètres perturbés contiennent en général beaucoup de membres afin de faire varier de nombreux processus d’importance pour le système climatique. 

Bien que les ensembles mentionnés précédemment visent à échantillonner l’incertitude reliée aux modèles, toute simulation climatique est sujette à de la variabilité interne, une source d’incertitude irréductible qui, par conséquent, ne pourra jamais être amoindrie par d’éventuels progrès dans les modèles ou des scénarios de GES plus précis. Autrement dit, chaque membre d’un ensemble multimodèles ou d’un ensemble à paramètres perturbés contribue à échantillonner la variabilité interne, mais malheureusement, ces types d’ensembles ne permettent pas d’isoler la contribution de cette source d’incertitude.

 
Grands ensembles de conditions initiales

Pour cette raison, les grands ensembles de conditions initiales sont conçus spécifiquement pour estimer l’amplitude et l’évolution de la variabilité interne à diverses échelles temporelles et spatiales. Ces ensembles sont basés sur un seul ESM et un seul scénario de GES. La plupart contiennent au moins une cinquantaine de membres pour lesquels le modèle climatique est laissé tel quel. Les différents membres d’un tel ensemble se distinguent par les modifications apportées aux conditions initiales ayant servi à démarrer chacune des simulations. Ainsi ils aident à séparer l’effet de la nature non linéaire du système climatique  de l’effet de l’augmentation des GES sur les changements dans les variables et les aléas climatiques. De plus, ces ensembles sont particulièrement utiles pour l’étude des extrêmes, car leur grand nombre de membres leur permet de fournir de plus grands échantillons de ces événements qui sont par définition rares dans les observations ou dans d’autres types d’ensembles. Ils sont aussi très utiles pour l’étude des grands modes de la variabilité naturelle du climat tels que El Niño/La Niña, l’oscillation de l’Atlantique Nord, etc. Cependant, il faut garder en tête que les conclusions tirées d’un grand ensemble de conditions initiales ne proviennent qu’un d’un seul modèle climatique, il devient alors pertinent de vérifier si d’autres grands ensembles produisent des résultats similaires.

Il est aussi possible de constituer un ensemble de conditions initiales à partir d’un modèle régional de climat. Pour isoler la contribution du MRC à la variabilité interne, toutes les simulations régionales membres de cet ensemble recevront leurs conditions aux frontières de la même simulation climatique provenant d’un seul ESM basée sur un seul scénario de GES. Les différences entre les membres proviendront seulement des perturbations des conditions initiales du MRC choisi. Ainsi, pour une circulation à grande échelle donnée, un tel ensemble nous renseigne sur l’ampleur de la variabilité interne aux échelles spatiales plus fines. Les simulations régionales étant très gourmandes en temps de calcul, un ensemble de conditions initiales basé sur un MRC ne compte typiquement que quelques membres. Leur taille est donc bien loin d’atteindre celle des grands ensembles basés sur des ESM.

Références

GIEC, 2021: Annexe VII – Glossaire [Publié sous la direction de Matthews, J.B.R., V. Möller, R. van Diemen, J.S. Fuglestvedt, V. Masson-Delmotte, C. Méndez, S. Semenov, A. Reisinger]. In Changements climatiques 2021 : Les éléments scientifiques. Contribution du Groupe de travail I au sixième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat [Publié sous la direction de Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S.L. Connors, C. Péan, S. Berger, N. Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M.I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T.K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekçi, R. Yu et B. Zhou], Cambridge University Press.

Chen, D., M. Rojas, B.H. Samset, K. Cobb, A. Diongue Niang, P. Edwards, S. Emori, S.H. Faria, E. Hawkins, P. Hope, P. Huybrechts, M. Meinshausen, S.K. Mustafa, G.-K. Plattner, and A.-M. Tréguier, 2021: Framing, Context, and Methods. In Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S.L. Connors, C. Péan, S. Berger, N. Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M.I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T.K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekçi, R. Yu, and B. Zhou (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, pp. 147–286, doi:10.1017/9781009157896.003.

Lee, J.-Y., J. Marotzke, G. Bala, L. Cao, S. Corti, J.P. Dunne, F. Engelbrecht, E. Fischer, J.C. Fyfe, C. Jones, A. Maycock, J. Mutemi, O. Ndiaye, S. Panickal, and T. Zhou, 2021: Future Global Climate: Scenario-Based Projections and Near-Term Information. In Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the
Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S.L. Connors, C. Péan, S. Berger, N. Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M.I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T.K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekçi, R. Yu, and B. Zhou (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, pp. 553–672, doi:10.1017/9781009157896.006.

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