Outils pour appuyer la gestion des eaux souterraines face aux changements climatiques

Contexte

Le MELCC a déployé depuis 2007 le Réseau de suivi des eaux souterraines (RSESQ) comptant plus de 250 stations piézométriques réparties sur le territoire méridional du Québec, mais également à Umiujaq et aux Îles-de-la-Madeleine. Les données journalières sur le niveau des eaux souterraines et leur température y sont relevées deux fois par année.

L’analyse des séries temporelles de données recueillies par le RSESQ nécessite le développement d’outils destinés à évaluer l’effet des changements climatiques sur les eaux souterraines du Québec, ainsi que de ses répercussions sur les étiages des cours d’eau. À cet effet, le MELCC soutient trois projets de recherche intégrés menés par l’UQAM, l’INRS et l’Université Laval, tandis que la Commission géologique du Canada réalise des activités de recherche complémentaires aux travaux universitaires.

Objectif(s)

Optimiser le RSESQ pour obtenir des données représentatives des eaux souterraines du Québec permettant d’évaluer l’effet des changements climatiques sur cette ressource;
Développer des indicateurs de l’état des eaux souterraines;
Développer des outils de prédiction de l’état des eaux souterraines et des tendances;
Améliorer la compréhension de la recharge de l’eau souterraine, de son inertie et de sa relation avec les eaux de surface dans un contexte de changements climatiques.

Méthodologie

Utiliser les données acquises dans le cadre du Programme d’acquisition de connaissance sur les eaux souterraines du Québec pour mieux définir le contexte hydrogéologique du territoire et l’exploitation des eaux souterraines en périphérie des stations du RSESQ;
Développer des indicateurs de l’état des eaux souterraines à chacune des stations du RSESQ, ainsi que des outils d’analyse des données mesurées aux stations du RSESQ pour identifier l’évolution de l’état de la ressource;
Définir des conditions-types de la recharge de l’eau souterraine et de sa contribution aux nappes alluviales des cours d’eau;
Modéliser la recharge dans les conditions présentes, passées et futures, ainsi que la contribution des eaux souterraines aux débits de base des cours d’eau;
Réaliser une modélisation intégrée des eaux souterraines à l’échelle d’un bassin versant, mais également à une échelle suprarégionale.

Résultats

Les travaux de l’INRS ont consisté à :

Traiter des données météorologiques,
Développer des outils permettant d’améliorer la gestion et l’exploitation des données du RSESQ,
Définir le contexte des stations,
Corriger et traiter leurs données piézométriques,
Caractériser leurs conditions de confinement,
Estimer la recharge aux sites le permettant.

Les travaux de l’UQAM ont permis de :

Définir des conditions types de recharge des aquifères et d’émergence des eaux souterraines dans les cours d’eau,
Modéliser la recharge spatialement distribuée dans les conditions passées, présentes et futures,
Modéliser la contribution des eaux souterraines aux débits de base des cours d’eau.

Les travaux de l’Université Laval et de la Commission Géologique du Canada ont permis de démontrer l'applicabilité d'un modèle hydrologique intégré, simulant l'écoulement couplé (eaux souterraines et de surface), afin de

Fournir un cadre de développement d'outils de gestion des prélèvements par l’application d’un modèle hydrologique intégré à grande échelle,
Préciser, à l'aide d'un modèle hydrologique intégré à plus petite échelle, le lien entre les signaux observés dans les stations du RSESQ et les débits des cours d'eau, dans un contexte de changements climatiques.

L’analyse des données des stations du RSESQ et de leur contexte a permis de sélectionner 33 stations pour le suivi des nappes et l’estimation de la recharge, qui pourront être utilisés pour produire des indicateurs de suivi et réaliser un bilan périodique de l’état des nappes à une échelle régionale. Aussi, l’analyse des séries temporelles des 83 stations ayant fait l’objet d’une analyse barométrique apporte des informations pertinentes sur la dynamique de l’eau souterraine dans la zone d’étude. Par ailleurs, l’analyse des données météorologiques a permis de déterminer 12 secteurs hydroclimatiques répartis en quatre groupes. Ces résultats ont permis d’identifier certaines lacunes de représentation spatiale des stations et de faire des recommandations pour le maintien et le développement futur du RSESQ.

Les travaux de modélisation de la recharge et de l’écoulement de l’eau souterraine ont permis d’obtenir des valeurs de recharge mensuelle et du débit de base sur l’ensemble de la zone d’étude pour la période 1961-2017. La recharge a été simulée avec deux modèles de surface (HydroBudget et SWMB). La recharge annuelle moyenne pour la zone d’étude varie de 139 mm/an à 224 mm/an selon le modèle. La structure des modèles et la méthode de calibration (basée sur les débits de base) semblent expliquer la différence entre les deux modèles. Les modèles de calcul de la recharge ont ensuite été utilisés afin de simuler les changements futurs en utilisant les données de 12 scénarios climatiques. Les résultats indiquent que des augmentations de la recharge sont à prévoir durant la période hivernale et automnale. Les changements prévus durant la période estivale sont faibles et incertains. L’impact des changements climatiques sur les débits de base simulés à l’aide des modèles souterrains reflète les changements de la recharge, avec une atténuation des impacts au printemps. L’augmentation de la recharge durant l’hiver ne permet pas d’atténuer l’effet de la baisse prévu au printemps et potentiellement durant l’été.

Les résultats démontrent que le RSESQ est un outil majeur pour comprendre la réactivité des aquifères aux variations météorologiques (Figure 1), pour calibrer la modélisation de la recharge et pour simuler les écoulements souterrains permettant d’estimer les débits de base des cours d’eau. L’utilité du réseau hydrométrique du Québec pour calibrer les modèles et la nécessité d’avoir des données météorologiques sur grille ont aussi été démontrées. Les résultats ont permis d’émettre des recommandations sur la gestion future du RSESQ et sur les travaux à mettre en œuvre ou à poursuivre afin de maintenir et de mettre à jour les connaissances sur la recharge, les débits de base et l’état des nappes au Québec.

Figure 1 : Tendance des niveaux d’eau souterraine aux puits du RSESQ selon les secteurs hydroclimatiques

Retombées pour l'adaptation

La connaissance de l’évolution de la recharge de l’eau souterraine permettra aux usagers d’anticiper les problèmes pouvant affecter à long terme leur approvisionnement en eau (quantité, qualité, prévision saisonnière).

Combinée à la connaissance des tendances futures de la recharge des eaux souterraines et de leur inertie, la compréhension de la contribution des eaux souterraines aux débits des cours d’eau permettra également d’anticiper l’évolution de la sévérité des épisodes d’étiages à long terme, donc les risques que ces épisodes posent sur les usagers de ces cours d’eau et sur les écosystèmes.