Hydrodynamique et résilience à long terme d’un lac large et ses milieux humides

La population canadienne manifeste un intérêt grandissant pour les activités de chasse et pêche. De ce fait, le tourisme récréatif de ce secteur a connu un essor significatif au cours des dernières décennies.

Les pratiques en matière de conservation du territoire, qui ont facilité ces activités en assurant la présence de milieux de qualité pour les générations futures, sont également en progression. Cependant, malgré quelques études sur le sujet, la compréhension de la dynamique lacustre et écosystémique intégrée demeure limitée, tout comme les impacts des activités humaines et des changements climatiques sur cette dynamique. Parmi les composantes d’un lac, les flux entrants et sortants des eaux souterraines sont les moins bien compris.

L’objectif du projet est de comprendre la résilience de l’hydrodynamique des lacs et des milieux humides, en mettant l’accent sur le lac Papineau en Outaouais. Ce lac est unique puisqu’il est resté relativement intact au fil des ans et qu’il se situe dans une réserve naturelle de chasse et de pêche. Récemment, Kenauk Nature et Conservation de la nature Canada ont établi un partenariat visant à étendre la zone conservée afin d’en assurer l’accessibilité pour le public et la gestion durable des activités.

Cette situation particulière fait du lac Papineau un bon point de départ pour des études comparatives et la surveillance des impacts cumulatifs, dont ceux liés aux changements climatiques. Pour gérer adéquatement le site, des points de repère clairs, fondés sur des connaissances scientifiques de pointe sur la dynamique des lacs et des milieux humides associés, seront déterminés.

Crédit photo: Gino Doucette.

• Quantifier l’hydrodynamique des lacs et évaluer les effets à long terme de l’utilisation du territoire et des changements climatiques.

• Évaluer les catalyseurs et les stress contrôlant la richesse et la composition des communautés végétales et animales des milieux humides.

• Formuler des recommandations à l’intention des gestionnaires afin de prévenir les impacts négatifs de ces stress et d’assurer la conservation durable de l’écosystème du lac Papineau.

• Établir le budget en eau du lac et sa résilience hydrologique à long terme compte tenu des conditions hydrologiques actuelles et passées.

• Décrire les milieux humides et les effets des stress hydrologiques, climatiques et d’utilisation des terres (barrages, navigation récréative déforestation des berges).

• Définir la répercussion de l’utilisation des terres, des changements climatiques et des pressions d’origine humaine sur l’hydrologie lacustre et les milieux humides situés sur les berges et déterminer les sites à conserver pour préserver la biodiversité et les services écologiques.

Le bilan hydrique du lac pour la période entre octobre 2016 et septembre 2021 montre que le lac reçoit en moyenne 6% de son alimentation en eau de l’aquifère, 18% en provenance des précipitations directes et 76% en provenance du ruissellement de surface ou hypodermique. Les flux sortants du lac ont lieu par l’aquifère (2%), par l’évapotranspiration (10%) et par l’exutoire du lac (86%). Les niveaux du lac peuvent varier jusqu'à 1 m au cours d'une année hydrologique. Les modèles de recharge et d’écoulements souterrains utilisés avec 12 scénarios climatiques fournis par Ouranos montrent une augmentation significative des précipitations, du ruissellement et de l’évapotranspiration (Fig. 1). La recharge annuelle ne varie pas de manière significative dans les horizons futurs, mais elle pourrait augmenter l’hiver (températures plus douces) et diminuer l’été (augmentation de l’évapotranspiration). Des niveaux élevés en période printanière et des niveaux bas extrêmes pourraient être plus fréquemment rencontrés dans le futur. Cette augmentation de la variabilité inter- et intra-annuelle pourrait toutefois avoir des impacts sur le bilan hydrique du lac, sur l’inondation des rives après la fonte de la neige, sur l’exondation de certains secteurs en étiage.

Figure 1. Évolution des précipitations, du ruissellement (RUNOFF), de l'évaporation (AET) et de la recharge annuelle de l'aquifère basée sur l'utilisation de 12 scénarios climatiques.

Quatre types de milieux humides ont été identifiés au pourtour du lac Papineau, soit des tourbières ombrotrophes (12), des marécages à frênes (18), des marécages à aulnes (8) et des marais émergés (2). Les milieux humides d’intérêt pour la conservation dans le territoire ont été identifiés en utilisant un indice d’unicité écologique et de richesse spécifique, mettant en évidence un compromis nécessaire au moment de la conservation. Les principales variables expliquant la flore des milieux humides sont la pente de la berge et l’élévation du site par rapport au niveau du lac. Une baisse limitée du niveau du lac pourrait entraîner la transformation d’un marécage à aulnes en un marécage à frênes et une perte de 0.6% de superficie de milieux humides. Une hausse importante du niveau pourrait entraîner un gain de milieux humides, tandis qu’une baisse importante pourrait entraîner la disparition de 20% des milieux humides. Il a été aussi montré (Fig. 2) que les tourbières ont des fonctions et services écosystémiques (FSE) de contrôle de l’érosion des berges, de régulation des niveaux d’eau, de stockage du carbone et de qualité esthétique des lieux. Les marécages à frênes ont aussi des FSE de stockage du carbone et d’érosion des berges, tandis que les marécages à aulnes ont des FSE de pêche et d’esthétisme. Les tourbières contribuent à la diversité des oiseaux et d’insectes chanteurs, les marécages à frênes à celle des plantes et les marécages à aulnes à celle des poissons. La plus grande variabilité inter- et intra-annuelle des niveaux du lac attendue dans les prochaines décennies pourrait avoir des impacts sur les FSE des milieux humides. 
 

Figure 2. Carte de l'intensité de l'apport en fonctions et et services écologiques des milieux humides riverains au Lac Papineau.

• Institut de recherche en biologie végétale

• Kenauk Nature

• Conservation de la nature Canada (CNC)

• Université de Montréal

• Université du Québec à Trois-Rivières