L’année 2023 a été exceptionnelle et a marqué un tournant dans l’histoire des incendies de forêt au Québec et au Canada. D’un océan à l’autre, plus de 6600 incendies ont ravagé les vastes forêts boréales du pays, laissant des cicatrices profondes sur plus de 18 millions d’hectares de terres boisées. Le Québec a été particulièrement touché par cette saison record, avec 4,3 millions d’hectares de forêt brulés et 713 incendies. Un chiffre bien au-dessus de 480, la moyenne annuelle de ces dix dernières années.
Si la saison 2023 s’est avérée exceptionnelle, les projections pour cette année prévoient des conditions favorables aux incendies de végétation, laissant planer la perspective d’une nouvelle saison à risque. Notons cependant qu’il est difficile de prévoir avec précision les tendances à long terme en matière de feux de forêt, dès le début de la saison, en raison de l’incertitude inhérente à plusieurs variables favorables aux feux, comme les précipitations ou le vent. Il est encore plus difficile, voire impossible, de prédire précisément l’intensité des incendies. Toutefois, les prévisions météorologiques saisonnières peuvent fournir des indications utiles permettant d’identifier les zones à risques et anticiper les défis potentiels.
Prévision pour la saison 2024
Partout au pays, l’hiver a été marqué par des températures supérieures à la normale avec un manque de précipitations, favorisant des conditions de sécheresse généralisées et aggravant les conditions déjà favorables aux incendies de végétation. Au début du mois d’avril, Ressources naturelles Canada (2024) publiait les résultats de ses dernières prévisions météorologiques saisonnières qui indiquent que, tout comme en hiver, le printemps et l'été pourraient également connaître des températures bien au-dessus des normales saisonnières.
Ces conditions météorologiques, exacerbées par le phénomène El Niño, pourraient créer un contexte favorable à une nouvelle saison de feux de forêt active et intense, et ce, dès le printemps. Selon ces prévisions, les régions les plus exposées sont l'ouest du Canada, l'est de l'Ontario et le sud du Québec, en raison notamment de la fonte précoce de la neige.
Au cours de l'été, la persistance de conditions de sécheresse généralisées combinées à des températures nettement supérieures aux normales saisonnières pourrait accroître le risque d'incendies de forêt dans le nord-ouest du Québec, les provinces des Prairies ainsi que dans l'ouest et le nord canadien. Certains spécialistes expriment aussi des inquiétudes quant au risque de reprise de certains foyers datant de l’année dernière dans les Territoires du Nord-Ouest. Certains n'ont jamais été complètement éteints, malgré l'hiver.
Figure 1 : Prévisions probabilistes de la température au Canada pour les mois de juin-juillet-août 2024. (Tiré de : Ressources naturelles Canada, 2024).
Une saison déjà bien active
La saison des feux a commencé très tôt cette année. En mars et avril, la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) a enregistré plus de 60 feux sur le territoire du Québec, un chiffre supérieur à celui de l’année dernière sur la même période.
Soulignons qu’à cette période de l’année la majeure partie des feux de forêt sont d’origine humaine. Ils surviennent généralement à proximité de zones habitées et couvrent de plus petites superficies. Selon Yan Boulanger, chercheur au Service canadien des forêts, il est important de surveiller activement les conditions météorologiques de ces prochaines semaines, en particulier les activités orageuses, la foudre et les conditions de sécheresse.
Ces facteurs peuvent favoriser la naissance d’incendies d’origine naturelle couvrant des superficies plus vastes. S’ils surviennent dans des régions plus reculées, ils représentent tout de même une menace pour certaines infrastructures essentielles, telles que les lignes de transport d’électricité. En 2023, des températures élevées, combinées à des conditions très sèches et à une ligne de foudre, ont ainsi déclenché 182 incendies au Québec dans la seule journée du 1er juin.
Un éveil collectif
Analysant la saison 2023 des feux de forêt en essayant d’en tirer des leçons pour l’avenir, Yan Boulanger a remarqué un certain éveil collectif concernant la perception du risque, en particulier au Québec. Alors que les provinces de l'ouest du Canada sont plus familières avec ces phénomènes, le Québec a quant à lui connu des saisons relativement calmes ces dix dernières années. Les choses changent, la saison exceptionnelle de 2023 a ravivé la conscience collective de la présence de ce risque dans la province.
Des communautés et des infrastructures à risque
Si les feux de forêt sont moins fréquents au Québec par rapport à d’autres provinces canadiennes, ils sont souvent plus destructeurs, menaçant davantage de bâtiments et de milieux habités. Les conclusions d’une récente étude, publiée en février dans l’International Journal of Disaster Risk Reduction, pointent le Québec comme la province canadienne où les infrastructures sont directement ou indirectement les plus exposées aux feux de forêt. Plus d’un million de bâtiments sont ainsi exposés à un risque d’incendie, dont 15 000 sont jugés à haut risque, particulièrement, dans le Centre et le Nord-Est de la province.
Selon cette même étude, entre 2011 et 2016, les populations du Québec et de l’Ontario ont augmenté dans des secteurs considérés à haut risque d’incendie de végétation, contrairement à d’autres provinces comme la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et le Manitoba, où ce nombre a diminué.
Une prévention accrue
Face à ces constats et à une augmentation prévue de la durée, de la fréquence et de l'intensité des incendies de forêt dans le contexte des changements climatiques, rappelons qu’il est essentiel d’adopter des mesures d’adaptation, en misant notamment sur l’aménagement du territoire forestier et l’atténuation des risques pour les communautés et les infrastructures. Une prévention renforcée s'impose alors comme une stratégie clé dans un monde où le risque de feux de forêt tend à être de plus en plus présent.
Bien que le bilan de la saison des feux de 2024 demeure incertain, les prévisions actuelles pour le Québec convergent vers une nouvelle année de défis pour les communautés et les infrastructures. La préparation et l'adaptation constituent les meilleurs outils pour faire face à la menace. Ces actions nécessitent la collaboration d’acteurs d’horizons variés. En unissant nos efforts, nous pourrons affronter cette nouvelle réalité et œuvrer à la construction d'un avenir plus résilient, où nous pourrons mieux contenir les flammes et limiter les impacts.