Mesurer le progrès en adaptation : Avancées, défis et perspectives
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Depuis des années, la communauté internationale cherche à mieux s’adapter aux effets des changements climatiques qui continuent de s’accélérer.

 

En 2015, l’Accord de Paris prévoyait l’identification d’un Objectif mondial en matière d’adaptation (OMA) visant à renforcer les capacités d’adaptation, accroître la résilience aux changements climatiques et réduire la vulnérabilité à ces changements. Laissé sous silence pendant plusieurs années, un cadre pour l’OMA a finalement été adopté à la COP28, en 2023, pour donner une direction commune en adaptation à l’ensemble des pays. Toutefois, faute d’indicateurs pour mesurer les efforts mis en place, ce cadre demeurait assez vague et peu contraignant. 

À l’occasion de la COP30, qui s’est tenue du 10 au 21 novembre 2025 au Brésil, les efforts pour définir une série d’indicateurs permettant de suivre et d’évaluer les progrès accomplis en matière d’adaptation aux changements climatiques se sont poursuivis. Le texte final adopté sur l’OMA inclut une liste de 59 indicateurs volontaires et non prescriptifs. Ils sont destinés à éclairer les approches nationales en matière de suivi des mesures d'adaptation et des progrès réalisés. La liste comprend des indicateurs dans plusieurs secteurs dont l’eau, la santé ou les écosystèmes et sur des questions transversales dont les moyens de mise en œuvre et le renforcement des capacités. Le texte final prévoit également l’établissement de la vision Belém-Addis sur l’adaptation, un processus qui vise à affiner d’ici 2027, les indicateurs d’adaptation de Belém.

Cependant, ce texte a entrainé des réactions mitigées parmi les Parties, notamment sur l’importance d’ancrer les indicateurs sur des bases scientifiques solides et sur l’ambiguïté du processus technique encadrant la poursuite des travaux. L’importance accordé à ce travail à l’échelle internationale invite à réfléchir à l’importance même de la mesure en adaptation.

Pourquoi mesurer est essentiel ?


Les systèmes de suivi et d’évaluation permettent de vérifier la pertinence des actions, leur performance pour l’atteinte des objectifs fixés ainsi que l’efficacité des moyens pour les mettre en œuvre. Ces systèmes favorisent la transparence et la reddition de compte en plus d’offrir des opportunités d’apprentissage. Ils permettent de mieux comprendre pourquoi une mesure fonctionne dans un contexte (les conditions de succès), mais échoue dans un autre (les obstacles), ou encore d’identifier les lacunes sur le plan des moyens de mise en œuvre. Ils contribuent ainsi à améliorer en continu les actions déployées. 

Le suivi et l’évaluation des stratégies et actions mises en place constituent une étape essentielle du cycle itératif de l’adaptation. Un tel suivi facilite l’ajustement des initiatives et aide à prioriser l’allocation des ressources et des efforts là où ils sont le plus utiles pour renforcer la résilience face aux effets des changements climatiques.

De multiples indicateurs pour suivre et évaluer l’adaptation 


L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C est clair et les indicateurs de suivi (équivalent CO2) sont relativement bien établis et associés à des mesures assez précises. À l’inverse, l’objectif de s’adapter aux changements climatiques est un concept plus abstrait.  Ce faisant, mesurer et quantifier l’adaptation aux changements climatiques est plus complexe puisque les objectifs peuvent varier en fonction des risques auxquels on fait face (par exemple, l’effet de la chaleur extrême sur la santé humaine ou de l’érosion côtière pour les infrastructures).

Il peut ainsi être nécessaire de recourir à plusieurs types d’indicateurs pour suivre les progrès en adaptation et intégrer les dimensions environnementales, sociales et économiques propres au contexte dans lequel les mesures sont déployées.  De plus, des indicateurs quantitatifs sont souvent nécessaires pour mieux saisir les spécificités propres à chaque enjeu et chaque territoire. 


Trois grandes catégories d’indicateurs se dégagent en adaptation : 

  1. Les indicateurs de processus, qui suivent les moyens de mise en œuvre des actions. Il s’agit, par exemple, de l’adoption d’un cadre réglementaire pour la gestion des milieux hydriques, qui encadre l'aménagement du territoire pour réduire les risques liés aux inondations.
  2. Les indicateurs de résultats, qui évaluent la performance des solutions mises en place.  Par exemple, ils peuvent déterminer si, après la mise en place d’une mesure visant les zones à risque très élevé d’inondation, des bâtiments ou des activités ont effectivement été déplacés ou si des travaux d’aménagement ont été réalisés.
  3. Les indicateurs d'impacts ou de retombées, qui évaluent l’effet des solutions mises en œuvre. Ils permettent de déterminer si les mesures ont atteint leurs objectifs ultimes, par exemple en diminuant le nombre de bâtiments affectés lors d’une inondation. 

Malgré leur utilité, ces indicateurs d’impacts ou de retombées peuvent être difficiles à utiliser puisque les résultats des stratégies mises en place prennent souvent du temps à se matérialiser. De plus, il n’est pas toujours facile d’attribuer la mise en place d’une action à une plus grande résilience face aux effets des changements climatiques. Par exemple, il peut être difficile d’évaluer si une campagne de sensibilisation a mené à une diminution du nombre de personnes affectées lors d’une vague de chaleur.

Quoi qu’il en soit, il est important de combiner les indicateurs à des données contextuelles, dont les aspects sociodémographiques. Par exemple, dans le cas d'initiatives de verdissement en milieu urbain, on peut non seulement comptabiliser le nombre d’arbres plantés, mais aussi évaluer si les secteurs ciblés pour la plantation étaient les plus prioritaires et si les populations les plus vulnérables ont bénéficié de l’intervention. La combinaison de différents types d’indicateurs permet ainsi de suivre et d’évaluer l’action à différents stades de la démarche d’adaptation. Elle permet d’obtenir un portrait plus fidèle et englobant des progrès réalisés et des facteurs de succès pour assurer une plus grande résilience.

Mesurer pour mieux s’adapter au Québec 


Si l’adaptation est bien enclenchée au Québec, l'élaboration d’indicateurs pour suivre et évaluer son progrès demeure encore un défi. Malgré cela, plusieurs initiatives ont vu le jour ces dernières années. À l’échelle du Québec, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques propose certains indicateurs en adaptation dans le cadre du Plan pour une économie verte 2030. Le gouvernement fédéral a quant à lui mis sur pied un Cadre de surveillance et d’évaluation pour la Stratégie nationale d’adaptation. Ce cadre vise à mesurer les progrès collectifs en adaptation, notamment quant aux solutions provenant des différentes régions du pays.

D’autres organismes contribuent également à la définition d’indicateurs. Par exemple, le G15+ a mis sur pied les Indicateurs du bien-être au Québec. Ceux-ci cherchent à élargir la notion de progrès au-delà de la seule croissance économique en intégrant des dimensions sociales, environnementales et de qualité de vie. Dans le même esprit, l’Observatoire Grand Montréal propose les Indicateurs vitaux du Grand Montréal, qui incluent des volets sur l’environnement et les milieux naturels pour évaluer la santé globale de la métropole et les défis à venir. 
 

Vers un système de suivi de l’adaptation pour le secteur électrique canadien

Le projet Tracking adaptation progress in the Canadian electricity sector est financé par Ouranos et lancé en collaboration avec Hydro-Québec, Ontario Power Generation et Manitoba Hydro. Les résultats de ce projet contribueront à faire progresser les méthodes et les indicateurs utilisés pour suivre et évaluer l'adaptation des secteurs d’ infrastructures critiques au Canada.

 

Ensemble, ces initiatives permettent non seulement de mieux mesurer le progrès, mais aussi de guider l’adaptation climatique au Québec et au Canada. Néanmoins, il est essentiel d’utiliser ces suivis pour en tirer des apprentissages. Comme l’adaptation est itérative, mieux saisir les caractéristiques des stratégies réussies, mais aussi leurs limites, permet de bonifier leur mise en place et de renforcer durablement la résilience face aux changements climatiques.  


Un chantier en mouvement


La décision prise à la COP30 quant aux indicateurs de l’OMA représente une avancée pour l’adaptation dans le monde. Ces efforts à l’international peuvent poser les bases à l’établissement d’indicateurs communs en adaptation, facilitant leur harmonisation et le partage d’informations à différentes échelles (locales, régionales et nationales). Cela devrait permettre d’assurer une certaine cohérence entre les mesures entreprises et orienter les actions vers un objectif commun d’adaptation. Rappelons que mesurer le progrès en adaptation permet non seulement d’évaluer l’efficacité des processus et des résultats des actions entreprises, mais aussi de créer une base commune d’apprentissage. Malgré sa complexité, ce processus contribue à renforcer collectivement la résilience, de l’échelle locale à l’échelle internationale.

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