Vous avez peut-être déjà navigué sur Portraits climatiques, une plateforme créée en 2018 par Ouranos qui permet d’explorer les tendances climatiques passées, présentes et futures au Québec. Mais connaissez-vous le chemin parcouru entre la recherche scientifique et les cartes interactives?

Travis Logan, Responsable des plateformes climatiques, données et opérations chez Ouranos nous ouvre les coulisses de la science qui se cache derrière cet outil.
L'origine des simulations utilisées dans Portraits climatiques
Modèles climatiques globaux
La plupart des indicateurs climatiques disponibles sur Portraits climatiques (p.ex. le nombre de jours chauds ou les événements de gel-dégel) sont calculés à partir d’un ensemble de simulations faites par des modèles climatiques globaux dans le cadre des expériences CMIP: de grandes collaborations internationales où des équipes en sciences du climat testent différents modèles à l’échelle de la planète selon des protocoles communs. Aujourd’hui rendues à leur 6e itération (CMIP6), ces expériences permettent de comparer les modèles, d'affiner la compréhension de l’évolution du climat et de fournir une base commune à la communauté scientifique.
Modèles climatiques régionaux
Cela dit, pour certains phénomènes climatiques qui ont besoin d'une représentation à plus petite échelle, comme la pluie verglaçante ou le couvert de neige, Portraits Climatiques utilise plutôt des données simulées par des modèles régionaux, notamment le Modèle régional canadien du climat (MRCC). Ce modèle, développé par le centre ESCER de l’UQÀM, en collaboration avec Environnement et Changement climatique Canada et Ouranos, a une résolution suffisante pour distinguer différents types de précipitations et ainsi fournir des informations climatiques à une échelle plus fine que celle des modèles globaux.
Les modèles climatiques sont des logiciels complexes qui simulent les interactions entre l’atmosphère, l’océan, la glace et le sol, grâce à des équations fondées sur les lois de la physique. Leur exécution génère des « simulations climatiques » représentant l’évolution du climat depuis la période préindustrielle (1850) et jusqu’à la fin du siècle (2100).
De la simulation à l’indicateur climatique : les étapes clés
La première étape consiste à choisir les modèles climatiques à utiliser. Dans son sixième rapport d’évaluation (AR6), le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) souligne que certains modèles CMIP6 projettent un réchauffement considéré trop rapide. Sur la base de ces recommandations, Ouranos a donc retenu 15 modèles globaux, parmi une vingtaine, jugés plus réalistes pour représenter le climat futur du Québec.
La deuxième étape est celle de l’ajustement à une échelle plus fine des données de température et de précipitations quotidiennes issues des simulations de ces 15 modèles. Pour ce faire, Ouranos a développé un algorithme de mise à l’échelle statistique disponible dans Xclim, un logiciel libre d’accès, qui permet notamment d’ajuster les températures minimales et maximales ainsi que les précipitations totales en fonction du climat québécois passé. Cela permet d’avoir des projections corrigées, plus réalistes pour le Québec. Xclim est d’ailleurs de plus en plus utilisé par la communauté scientifique internationale, qui le teste et qui contribue à l’améliorer. Le résultat de ces corrections est appelé : Ensemble de simulations post-traitées d’Ouranos (ESPO).
À partir de l’ensemble de données corrigées, l’étape suivante consiste à calculer des indicateurs utiles pour l’adaptation aux changements climatiques, comme des dépassements de seuils de température ou de précipitation. Les résultats, d’abord annuels, sont regroupés par périodes de 30 ans pour définir le climat du futur et pour le comparer à celui du passé.
Enfin, ces informations sont réunies sur la plateforme Portraits climatiques, où elles prennent la forme de cartes, de graphiques et de tableaux interactifs, afin que les usagers puissent les explorer et s’en servir pour appuyer l’adaptation aux changements climatiques.
La fiabilité et l’actualisation des données
Concrètement, la plateforme évolue en fonction de ce qui est scientifiquement solide et de ce qui est pertinent pour le Québec, avec des mises à jour généralement effectuées à chaque année.
Chaque fois qu’un nouvel indicateur climatique ou un nouveau seuil est ajouté à la plateforme, il doit être appuyé soit par des recherches publiées et validées par la communauté scientifique, soit par un exercice de validation interne.
Pour l’actualisation, l’équipe suit l’évolution des grandes expériences climatiques internationales, comme CMIP, ou celles qui sont faites avec le MRCC. Les besoins exprimés par les usagers sont également pris en compte.
La valeur ajoutée de Portraits climatiques pour le Québec
Il existe plusieurs plateformes climatiques de grande qualité, mais Portraits climatiques a été pensé par et pour le Québec. Sa valeur ajoutée est d’offrir un outil de travail directement adapté aux démarches d’adaptation de notre territoire.
La plateforme permet notamment d’explorer des projections à l’échelle des régions administratives, des MRC, et même des territoires autochtones du nord, ce qui rend l’information plus utile pour évaluer les risques climatiques à l’échelle locale.
Les indicateurs ont d’ailleurs été choisis en concertation avec divers partenaires à l’échelle de la province — par exemple, la définition des vagues de chaleur repose sur les seuils établis par l’Institut national de santé publique du Québec.
Les experts derrière le développement de la plateforme
Derrière Portraits climatiques, on retrouve les équipes « Plateformes climatiques, données et opérations » et « Scénarios et services climatiques » d’Ouranos. Une dizaine de spécialistes aux profils variés — développement logiciel et web, science des données, sciences du climat et de la Terre, communications — travaillent ensemble. Avec la création de Portraits climatiques, ils ont réalisé leur objectif qui était de fournir un outil commun, accessible et fiable, afin de démocratiser l’accès aux projections climatiques à l’ensemble du Québec.
Visualisez et analysez les tendances du climat passé, actuel et futur avec notre plateforme qui offre une information spatialisée sur le territoire québécois.