Dossier spécial : Les inégalités sociales et les changements climatiques
Alors que le réchauffement climatique et la nécessité de s’y adapter se font de plus en plus pressants, une question essentielle se pose : par où commencer pour favoriser une adaptation aux changements climatiques juste et équitable?
Qu’est-ce qu’une transition juste et équitable?
Le Québec s’est engagé à adopter des orientations d'adaptation basées sur les principes de la transition juste et de l’équité intergénérationnelle. Ceux-ci ont pour objectif de répartir équitablement les coûts et les bénéfices des actions climatiques entre les générations et les groupes sociaux. Bien que la notion d’équité soit reconnue dans l'Accord de Paris, sa mise en œuvre reste embryonnaire, et des efforts gouvernementaux supplémentaires sont nécessaires.
Pour atteindre l'équité en matière d'adaptation, il est crucial que les ministères collaborent de manière cohérente et ambitieuse, en tenant compte des impacts sur la santé, le genre et les populations vulnérables. Aujourd’hui, le gouvernement du Québec se tourne vers des programmes et politiques non sectoriels pour lutter contre les changements climatiques, en intégrant des enjeux sociaux et économiques. L'objectif est de créer des mesures qui réduisent les effets des changements climatiques tout en stabilisant ou en réduisant les inégalités.
Par ailleurs, il est essentiel de favoriser la participation des groupes vulnérables dans les processus décisionnels, car leur implication politique est souvent limitée par rapport aux personnes plus avantagées, ce qui a tendance à perpétuer les inégalités.

Développement de la recherche
On constate que certains sujets relatifs aux changements climatiques et aux inégalités sont moins étudiés au Québec. Les enjeux spécifiques aux personnes à mobilité réduite, aux personnes en situation d’itinérance, aux populations autochtones méridionales, aux personnes issues de la diversité culturelle et aux personnes immigrantes font parties des sujets absents de la littérature scientifique climatique. De même, certaines zones, comme les régions nordiques, côtières et éloignées, qui présentent de nombreux facteurs de vulnérabilité, sont encore peu couvertes par les recherches.
Pour pallier ces lacunes, le gouvernement du Québec et l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) ont mis en place le répertoire « Ville, climat et inégalités », afin de mobiliser et de diffuser les connaissances sur les liens entre les inégalités et l’action climatique.
Ouranos collabore également avec l’INRS sur Le Labo équité climat : un laboratoire vivant traitant de l’équité en adaptation aux changements climatiques. Cette initiative vise à coproduire une boîte à outils ayant pour vocation d’améliorer la compréhension globale et de sensibiliser et de mobiliser les acteurs de l’adaptation en matière d’équité.
Pour consulter la documentation et les synthèses du Répertoire des recherches : Villes, climat et inégalités, consultez :
Villes, climat et inégalités – VRM
Pour en savoir plus sur la boite à outil du Labo Équité Climat :
Démarche d’adaptation locale
De nombreuses municipalités ont entamé une démarche d’adaptation. Or, cette approche peut dans certains cas engendrer des inégalités ou les accroître. Ainsi, plusieurs recommandations s’imposent afin de converger vers l’équité lors de la planification de l’adaptation locale.
Les villes, les organismes et les regroupements municipaux doivent :
Mieux étudier les particularités sociales de leurs territoires et inclure les populations dans les discussions.
Cibler les populations les plus affectées pour réduire au maximum les conséquences auxquelles elles font face.
Établir un portrait socioéconomique rigoureux des vulnérabilités avant d’élaborer leur plan d’adaptation.
Plus de ressources à prendre en compte pour les gouvernements locaux :
La transition juste : Un principe au cœur de la lutte contre les changements climatiques au Québec

Résilience des systèmes de santé
Les interventions gouvernementales peuvent aggraver les inégalités sociales de santé si elles ne visent pas directement leur réduction ou n’intègrent pas la participation des communautés. Ce faisant, l'INSPQ recommande de s'attaquer aux déterminants de la santé en amont, en investissant dans des solutions qui améliorent la qualité de vie, comme le logement, l'accès aux soins et la sécurité alimentaire.
Par ailleurs, les directions régionales de santé publique ont lancé les démarches VRAC-PARC en 2019. Ce projet a pour objectif de mettre en place des mesures d’adaptation par la collaboration entre les directions de santé publique et leurs partenaires régionaux. Concrètement, cette initiative propose une démarche d’accompagnement pour la rédaction de plans d’adaptation régionaux. VRAC-PARC vise également à brosser le portrait de la vulnérabilité ou du risque populationnel régional en santé face au climat changeant.
Pour en savoir plus sur la démarche VRAC-PARC :

Priorisation des populations nordiques
Bien que certains outils cartographiques d’aide à la décision aient été développés, les données sur les risques climatiques spécifiques aux régions nordiques sont limitées. Les données climatiques existantes traitent principalement du sud du Québec et ne sont pas adaptées aux réalités nordiques. Il est important que les gouvernements locaux et les communautés autochtones participent et contrôlent le recueil, le partage et le suivi des données, et que le gouvernement assure un financement durable et une accessibilité équitable à ces informations.
Par ailleurs, les programmes de financement pour l’entretien du cadre bâti nordique doivent être ajustés pour mieux répondre à leurs besoins spécifiques. Ces programmes ne tiennent présentement pas compte des particularités locales, telles que la brièveté des saisons de construction, la nécessité d'impliquer les peuples autochtones dans le processus décisionnel, ainsi que le besoin de rétention des compétences techniques dans le nord. Il est essentiel que le gouvernement investisse davantage, en tenant compte des défis liés au climat et des conséquences du colonialisme.
Il est crucial de mettre à jour les politiques, règlements, normes et codes de construction pour garantir que les infrastructures nordiques soient résilientes et adaptées aux conditions climatiques spécifiques. Les normes actuelles sont souvent inadaptées. Une réforme des pratiques permettrait de mieux répondre aux besoins des populations nordiques tout en assurant un accès équitable aux infrastructures. Il est donc essentiel de privilégier le remplacement et l'adaptation, plutôt que de se contenter de réparations et de protections temporaires. Pour certaines infrastructures, comme les bâtiments et les pistes d'atterrissage, les réparations peuvent retarder les dommages, mais d'autres nécessitent une reconstruction complète. Il est donc préférable d'investir dans des solutions innovantes et durables, en collaboration avec les gouvernements et les communautés locales, pour favoriser le bien-être et l'autodétermination des habitants du Nord.
Pour en savoir plus :
Prise en compte des inégalités de genre
Plusieurs solutions peuvent contribuer à prendre en compte les inégalités de genre.
D’une part, il est essentiel que le gouvernement prenne en compte les besoins différenciés entre les genres. Le développement des connaissances relatives à l’analyse différenciée entre les sexes dans une perspective intersectionnelle (ADS+) peut être un atout. En effet, l’intersectionnalité permet de saisir comment les différentes formes d’inégalités sociales se combinent et exposent certaines populations à des vulnérabilités accrues face aux effets du changement climatique. Elle révèle des formes de marginalisation souvent invisibles dans les analyses traditionnelles, mais cruciales pour construire des réponses justes et inclusives. Cela permettrait notamment de garantir la sécurité des femmes et des autres groupes discriminés face aux changements climatiques.
D’autre part, les femmes pourraient davantage être représentées dans les instances décisionnelles. Cela aurait pour effet de conduire les gouvernements vers une action climatique égalitaire prenant en compte les répercussions disproportionnés des changements climatique sur les femmes.

Verdissement équitable en milieu urbain
Les solutions de verdissement urbain peuvent améliorer le confort et atténuer les effets des aléas climatiques, mais il est essentiel de repenser leur conception pour réduire les inégalités. Cela implique de créer des espaces multifonctionnels et accessibles favorisant la mixité sociale et intergénérationnelle.
Les politiques publiques doivent également assurer une répartition équitable des ressources écologiques pour garantir la prise en compte et l’inclusion des personnes les plus vulnérables. Il serait donc intéressant de mettre en place des processus consultatifs en amont des projets de réaménagement urbain. Pour protéger les populations à faibles revenus et éviter l’éco-embourgeoisement, les projets de verdissement pourraient être accompagnés de mesures de contrôle des loyers et de nouveaux logements sociaux durables et abordables.

Résilience du milieu urbain
Bien qu'il existe aujourd'hui de nombreuses solutions d’ingénierie pour adapter les bâtiments aux aléas climatiques, elles restent peu utilisées par la population en raison du manque de financement et de la faible prise en compte des vulnérabilités dans les politiques publiques.
Une piste de solution concrète pourrait être d’investir dans la rénovation énergétique des logements sociaux et publics (HLM, coopératives d’habitation, etc.). Des logements énergétiquement plus efficaces permettraient de réduire l’exposition des personnes les plus vulnérables, notamment aux vagues de chaleur et au froid.
Le secteur locatif privé héberge près de 90 % des locataires. Or, ceux-ci ont moins de ressources pour s’adapter aux changements climatiques en raison de leur statut socioéconomique. Il importe donc d’investir dans le milieu locatif privé en mettant en place des programmes de financement destinés à la fois aux propriétaires de logements et aux locataires. Ces programmes devraient également intégrer des mesures de protection pour les personnes les plus vulnérables face aux changements climatiques.