Évaluation de l'impact des changements dans l'occupation des terres sur le climat – Phase 2

Plusieurs mesures d’adaptation et d’atténuation des changements climatiques impliquent des changements dans l’occupation des terres, notamment l’aménagement urbain, les pratiques agricoles, la plantation d’arbres ou de cultures pour bioénergie ou captation de carbone, et la restauration d’écosystèmes naturels.

Détails du projet
Programmation scientifique
Programmation 2020-2028
Thématique(s) et priorité(s)
Événements extrêmes
Début et durée
Septembre 2022 • Décembre 2024
Statut du projet
Terminé
Projet lié
Soutien à INFO-Crue
 
Responsable(s) scientifique(s)
Martin Leduc
Ouranos
Dominique Paquin
Ouranos
Olivier Asselin
Ouranos

Contexte

Les changements d’occupation des terres altèrent les échanges d’énergie et d’eau entre l’atmosphère et la surface terrestre. Par exemple, la conversion d’une forêt en terre agricole modifie la réflectivité et la rugosité de la surface, ainsi que sa capacité à retenir et à relâcher de l’eau par évapotranspiration. Ces effets biophysiques ont une influence importante sur le climat aux échelles régionale et globale. Lors de la première phase de ce projet, nommée Forêts-Herbes, la sensibilité du MRCC5 à un boisement/déboisement complet a été évaluée et comparée à un ensemble de modèles régionaux. Lors de cette seconde phase, des changements d’occupation des sols réalistes seront considérés. En particulier, l’accent sera mis sur les contributions relatives des émissions de gaz à effet de serre (GES) et des changements d’occupation des sols cohérents avec les scénarios SSP1-2.6 et SSP3-7.0. 

 

Ce projet s'est déroulé en deux phases.

Objectif(s)

  • Générer des cartes d’occupation du sol cohérentes avec le passé récent, le présent et deux scénarios futurs, et implémenter ces cartes au sein du MRCC5. 

  • Quantifier les contributions relatives des changements d’occupation du sol, des GES et de la variabilité naturelle aux climats présents et futurs, en Amérique du Nord comme en Europe.

  • Identifier les mécanismes responsables de la réponse climatique aux changements d’occupation des terres.

  • Produire un ensemble de simulations visant à appuyer le projet de recherche ClimEx-II en collaboration avec Université Louis-et-Maximilien de Munich 

Ce projet s'inscrit dans l'initiative INFO-Crue mise sur pied par le MELCCFP.

Méthodologie

  • Développer, en collaboration avec les collègues du centre GERICS en Allemagne, des cartes de végétation réalistes pour l’Amérique du Nord, ainsi que des projections cohérentes avec les scénarios SSP1-2.6 et SSP3-7.0.

  • Produire des simulations du MRCC5 pilotées par la réanalyse ERA5 sur deux domaines, Amérique du Nord et Europe, et avec quatre couvertures de végétation : passé (1950), présent (2015) et deux couverts cohérents avec 2100 dans les scénarios SSP1-2.6 et SSP3-7.0. 

  • Produire des simulations du MRCC5 pilotées par 4 membres du MPI-ESM sur les deux domaines avec cinq combinaisons de GES et couverts de sol (présent, SSP1, SSP3).

  • Comparer la climatologie des simulations pilotées par ERA5 afin d’évaluer l’impact de l’occupation du sol en climat présent, pour ensuite comparer les contributions relatives des GES, des changements d’occupation du sol et de la variabilité naturelle grâce aux simulations pilotées par le MPI-ESM. 

  • Comparer les résultats des simulations MRCC5/CLASS sur le domaine Europe avec l’ensemble de simulations produites par Land-Use and Climate Scales (LUCAS) phase II, qui aura l’avantage d’incorporer plusieurs modèles régionaux.

Résultats

Un jeu de 48 simulations climatiques a été produit avec le MRCC5 afin de quantifier l’effet de changements réalistes de l’occupation des terres pour les scénarios SSP1-2.6 et SSP3-7.0 en Amérique du Nord et en Europe. La première étape de l’analyse est de recenser les principales variables affectées. Nous avons calculé, pour chaque scénario et saison, les contributions relatives des GES par rapport aux changements d’occupation des terres. En général, la contribution relative des sols est plus importante pour SSP1-2.6 que SSP3-7.0. Ce recensement nous a aussi permis d’identifier que les températures extrêmes étaient plus affectées que les températures moyennes. Au niveau du bilan énergétique, on note des effets plus subtils mais similaires à la première phase du projet, c’est-à-dire que les flux radiatifs dominent la réponse du modèle durant l’hiver et le printemps tandis que les flux turbulents dominent en été. Le cycle de l’eau est bouleversé tout au long de l’année, mais principalement l’été.

Boisement, vagues de chaleur et disponibilité en eau Europe

Guidé par les résultats de ce recensement, Asselin et al. (2024) se concentre sur la saison estivale en Europe pour le scénario SSP1-2.6. Le résultat le plus frappant de cette analyse est le potentiel exceptionnel du boisement pour atténuer les vagues de chaleur estivales. Grâce à un boisement grande échelle de l'Europe dans SSP1-2.6, les vagues de chaleur sont moins intenses en 2100 par rapport à aujourd’hui pour environ la moitié de la population européenne (Figure 1). Cependant, cette atténuation de la chaleur provient de l'augmentation de l'évaporation, ce qui peut causer des préoccupations en matière de disponibilité de l'eau dans des régions plus arides. En effet, bien que le boisement de l’Europe favorise le recyclage des précipitations, cet apport supplémentaire en eau ne suffit pas à compenser la perte due à l’évaporation. Par conséquent, en moyenne sur le continent, le ruissellement diminue et le sol s’assèche.

effet des changements d'occupation des terres

Figure 1. L’effet des changements d’occupation des terres (LUC), des gaz à effet de serre (GHG) et leur effet combiné sur les extrêmes de chaleur estivale, définie comme le 95ème centile de la température maximale quotidienne, Les régions bleutées dans le panneau de droite montrent où l’intensité des vagues de chaleur est atténuée à la fin du siècle, par rapport à aujourd’hui.

De nouvelles cartes de couvert de sol pour l’Amérique du Nord

Un autre livrable majeur de ce projet est la publication d'un jeu de données de couverture des sols pour l'Amérique du Nord. Ces cartes sont disponibles pour chaque année entre 1950 et 2100 pour tous les principaux SSP et peuvent être utilisées directement par un modèle climatique régional (Figure 2).

Figure 2. Changement de l’occupation des terres entre 2015 et 2100 pour les scénarios SSP1-2.6 et SSP3-7.0, selon le jeu de données LANDMATE (btree : feuillus ; ntree : conifères ; crops : cultures ; urban : urbain ; shrub : arbustes ; grass : herbes).

Perturbations du cycle de l’eau en Amérique du Nord

Des travaux en cours visent à mieux comprendre les contributions relatives des GES et des changements d’occupation des terres selon SSP1-2.6 et SSP3-7.0, particulièrement sur la côte est de l’Amérique du Nord. Ces deux scénarios ont été choisis puisqu’ils diffèrent de façon marquée en termes d’usage des sols : un boisement important du centre et de l’est du continent dans SSP1-2.6, et un déboisement massif de la côte est dans SSP3-7.0 (Figure 2). Pourtant, le bilan net en évaporation, précipitation et ruissellement est étonnamment similaire entre les deux scénarios. Une analyse approfondie suggère que le remplacement de forêts par des cultures dans SSP3-7.0 mène aussi à une augmentation de l’évapotranspiration puisque la rugosité due à la végétation est largement ignorée par MRCC5-CLASS en région montagneuse. Ces résultats soulignent la complexité des effets des changements d’occupation des terres et l’importance de bien comprendre comment ceux-ci sont pris en compte par les modèles de climat et surface.

Retombées pour l'adaptation

Retombées pour l'adaptation

Plusieurs mesures d’adaptation et d’atténuation des changements climatiques impliquent des changements dans l’occupation des terres, notamment l’aménagement urbain, les pratiques agricoles, la plantation d’arbres ou de cultures pour bioénergie ou captation de carbone, et la restauration d’écosystèmes naturels. Ce projet aidera la société à anticiper les impacts climatiques régionaux de telles actions, comme la modification des régimes de précipitations et des températures extrêmes. 

Les données produites pourront alimenter les études en hydrologie où l’occupation des terres peut avoir un impact majeur sur les régimes hydriques, notamment les inondations.

Publications scientifiques

Date
Titre
Auteur
Type de document
Langue(s)
2022
On the Intercontinental Transferability of Regional Climate Model Response to Severe Forestation
Asselin O., Leduc, M., Paquin D., Di Luca, A.,…
Anglais
2022
Planter des arbres : une panacée pour contrer le réchauffement ?
Asselin, O.
Français
2024
Blue in green: forestation turns blue water green, mitigating heat at the expense of water…
Asselin, O., Leduc, M., Paquin, D., de Noblet…
Anglais
2025
Assessment of the impacts of land-use changes on climate
Asselin, O., Leduc, M., Paquin, D.
Anglais

Financeur(s)

Autres participants

  • Ralf Ludwig, LMU

  • Richard Turcotte, DEH

  • Nathalie de Noblet-duCoudré, IPSL

  • Diana Rechid, GERICS

  • Peter Hoffmann, GERICS

  • Vanessa Reinhart, GERICS

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